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Photo du rédacteurJulie Zulian

Peuples Autochtones du Canada : un génocide culturel

Le 24 janvier dernier, 93 tombes "potentielles" ont été retrouvées près du site d’un ancien pensionnat d’Indiens à Williams Lake, en Colombie-Britannique, dans l'ouest du Canada. La découverte de ces dépouilles ravive le traumatisme d’un passé colonial et la difficulté d’une lente réconciliation.


Enfants Autochtones dans leur pensionnat, fin des années 1930 ( © Archives Deschâtelets)


Éradiquer les peuples Autochtones


C'est un crime dont le Canada peine à se remettre. Peu après son indépendance en 1867, le gouvernement canadien aspire à entièrement coloniser son territoire. Il fait pourtant face à une majorité de peuples Autochtones, présents depuis des milliers d'années.


Ces peuples nomades remettent en question la notion de propriété et ne se conforment pas aux frontières, une conception européenne. Dans ce cadre, le gouvernement créer des réserves, territoires contrôlés par les autorités coloniales, qui visent à les sédentariser. Un premier pas vers un génocide culturel qui condamnera les Autochtones à des conditions de vies misérables, dues à l'exploitation de leurs ressources.


Favorable à une politique d’assimilation forcée de ces peuples, le gouvernement canadien vote la Loi sur les Indiens en 1876. Ce texte interdit les pratiques religieuses et les cérémonies traditionnelles des Autochtones. Leurs droits civiques sont limités et les structures politiques ainsi que la gouvernance de ces peuples sont modifiés. Dans ce cadre, les pensionnats Autochtones deviennent obligatoires pour tous les enfants. Le premier pensionnat a ouvert dès 1831 en Ontario.



"Tuer l’indien dans le cœur de l’enfant"


Sous l’ordre du gouvernement canadien, l'Église charge des missionnaires catholiques de la responsabilité d'évangéliser les enfants autochtones. Pendant plus d'un siècle, 150 000 jeunes sont arrachés à leurs familles et envoyés dans 130 pensionnats avec un objectif d’assimilation. Le dernier pensionnat n'est fermé qu'en 1996.


"Les enfants indiens devraient être retirés le plus possible de l'influence de leurs parents, et la seule manière d'y arriver est de les placer dans des écoles industrielles où ils vont acquérir les habitudes et les pratiques des Blancs"

- John A. Macdonald, premier ministre de la Confédération en 1883.


Interdits de parler leur langue maternelle, les cheveux des enfants sont coupés et leurs habits traditionnels remplacés par l'uniforme. Ils doivent aussi respecter les traditions chrétiennes avec des heures de prières, plusieurs fois par jour. Très jeunes, les enfants connaissent humiliations et abus sexuels, la punition peut aller jusqu’à la chaise électrique.


Selon les estimations, entre 4000 et 6000 enfants seraient morts de mauvais traitements (malnutrition, maladies) et d'expérimentations scientifiques, voire de meurtres. On compte aussi un grand nombre de suicides.



Livre blanc, Livre rouge


Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Canada signe la Déclaration des Droits de l'Homme dans la continuité des mouvements démocratiques en Occident. Si les peuples des Premières Nations obtiennent la liberté de culte et le droit de vote, les pensionnats restent de rigueur.


Harold Cardinal ( © Digital Archive)

En 1969, le premier ministre Pierre Elliot Trudeau présente La politique indienne du gouvernement du Canada -- 1969. Le livre blanc propose de supprimer le caractère distinctif des peuples Autochtones pour les mettre à "égalité" avec les autres Canadiens.


Ce texte provoque la mobilisation de nombreuses communautés menacées de devenir une minorité culturelle. Abolir leur statut initial, c'est ne plus reconnaître les droits qui en découlent. Harold Cardinal, chef cri, mène la riposte avec d'autres leaders autochtones en publiant Citizens Plus en 1970, appelé le Livre Rouge.




Une réconciliation difficile


L'ancien Premier ministre canadien, Stephen Harper, présente des excuses officielles aux anciens élèves des pensionnats indiens en 2008. Dans la foulée est créée la Commission de vérité et réconciliation. Active jusqu'en 2015, elle avait pour but de libérer la parole des victimes.


Cérémonie en hommage aux enfants disparus de Kamloops ( © Radio-Canada)

Lors de sa nomination, Justin Trudeau a réitéré des excuses et a demandé celles du Vatican. Le Pape François s'y est refusé. Fin 2021, le gouvernement a annoncé un plan de 28 milliards d'euros pour réparer les torts subis. Cette annonce faisait suite à la découverte des ossements de 215 enfants près d'un ancien pensionnat à Kamloops, véritable choc dans le pays.




Le Canada a encore beaucoup à faire pour réparer les torts subis par les Autochtones et se libérer de ce passé colonial aux incidences encore actuelles. Les réserves sont précaires, avec un taux de chômage plus élevé que la moyenne canadienne et un accès à la santé réduit. Les habitants sombrent dans des addictions, telles que l’alcool ou la drogue, et le pays connaît une épidémie de suicides.


Pour aller plus loin : Les enfants sacrifiés du Canada est un documentaire disponible sur la plateforme Spicee.

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