L'Agence européenne des produits chimiques (Echa) a rendu son verdict final : certaines couleurs d'encres de tatouages seront interdites dès le 4 janvier 2022. Si cette décision est prise par "mesure de sécurité", elle risque d'anéantir le secteur du tatouage, déjà bien touché par le contexte sanitaire.
Cette décision n'est pas récente : en 2015, la Commission européenne avait demandé à l'Echa d'évaluer les dangers liés aux encres de tatouage et de maquillage permanent. C'est en 2019, soit quatre ans après, que l'interdiction a été évoquée. La cause : certains coloris seraient composés d'éléments cancérogènes, mutagènes ou toxiques.
Le cinquième Congrès Européen de recherche sur le tatouage et les pigments cet été, regroupant tatoueurs, chimistes, juristes ou encore fabricants, s'est terminé sur un constat effarant. Il n'y a eu aucune étude qui pourrait réellement prouver ces "dangers" dont parle l'Echa. Ces décisions prises sont uniquement basées sur l'absence d'évaluation de sécurité, et non sur un risque avéré.
Tous les participants en sont venus à la même conclusion : "Nous sommes foutus", pour reprendre les mots du chimiste Michael Dirks.
Plus de dangers que de prévention
Si la restriction part d'une bonne volonté, elle risque de rendre le secteur du tatouage plus dangereux. En rendant ces pigments interdits à l'utilisation, ce sont les tatoueurs clandestins (qui auront commandé leur stock avant l'interdiction) qui récupèreront les clients. Les artistes exerçant en toute légalité et en suivant avec respect les conditions sanitaires seront donc les plus impactés.
Ce qui se veut être "une prévention" face à de possibles maladies se transforme alors en réel danger pour les clients.
"Depuis toutes ces années, on se bat avec ou face aux institutions, aux politiques, aux fonctionnaires... Pour voir les clandestins proliférer, les professionnels de plus en plus empêchés de travailler et des décisions toujours plus insensées"
25 pigments interdits par le Règlement européen
Le 4 janvier 2022, ce seront 4000 substances diverses utilisées dans les encres de tatouage qui seront interdites. Ces substances sont présentes dans la plupart des pigments du marché, comme le rouge, le orange ou encore le jaune. Un nouveau challenge s'installe : les marques doivent s'adapter et recréer les pigments — avec la même qualité — en très peu de temps. Par logique : chaque encre achetée à partir de septembre 2021 ne sera pas autorisée en Europe en janvier 2022.
Un autre problème s'installe : les fournisseurs les plus utilisés au niveau des encres de tatouages sont américains. Sachant que cette interdiction ne concerne que l'Union européenne, beaucoup d'entre eux n'en ont pas entendu parler.
Les délais s'annoncent longs pour que les tatoueurs aient de nouvelles alternatives pour leurs encres, conformes aux nouvelles instructions.
Par rapport aux quelques centaines de couleurs actuellement utilisées par les tatoueurs, seulement 73 d'entre elles resteront autorisées à partir de 2023.
La situation complexe du bleu et du vert
Le fonctionnement des couleurs, c'est tout un art. Encore plus lorsqu'il s'agit d'encres. Si ces dernières sont utilisées par les tatoueurs depuis des années, c'est qu'il y a une raison : la sécurité. Les artistes professionnels savent ce qu'ils font et utilisent un matériel qui assure le moins de complications possible.
Les pigments bleus et verts, par exemple, ne pourront connaître aucune alternative, peu importe le temps prit à essayer de le faire. La manière de faire actuelle assurait un rendu et une sécurité parfaits.
"Bien sûr, vous pouvez mélanger du bleu et du jaune pour obtenir du vert. Mais vous ne parviendrez pas à vous approcher de la gamme de couleurs actuellement disponible. [Ils] n'auront plus du tout le même rendu — ni une tenue équivalente dans le temps — si on les prive des deux pigments à bannir. On sera incapables de retrouver notre palette actuelle."
- Michael Dirks lors du Congrès Européen de recherche sur le tatouage et les pigments
Pour espérer contrer à ces nouvelles restrictions, une pétition (notamment portée par Michael Dirks) a été mise en place en janvier 2021. En mars, elle comptait déjà 50 000 signatures.
"La décision de laisser la pétition a été prise sur l'absence de preuve scientifique de toxicité des pigments visés dans le cadre des tatouages. Le soutien de plus de 50 000 personnes (un record à ce niveau institutionnel !) à cette date a pu également peser dans ce maintien".
Pour signer la pétition, rendez-vous sur le portail des pétitions du Parlement européen, créez-vous un compte puis écrivez "1072/2020" dans la barre de recherche. Enfin, cliquez sur "Soutenir cette pétition"
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