Aujourd'hui, intéressons-nous à la série Watchmen produite par HBO, disponible en France sur OCS, ce depuis fin 2019. Inspirée d'une série de comics imaginés par Alan Moore et publiés par DC Comics en 1986-1987, la série s'en éloigne pourtant pour mieux en tirer un récit des plus originaux. Certes, les "Minutemen" sont bien là mais vieillissant, disparus ou reconvertis, voire les trois. Les héros avec super-pouvoirs sont eux aussi de la partie, mais au second plan. Le personnage principal, et le récit même, vont bien au-delà du "simple" super-héros.
Dans un monde où l'écologie prédomine, où l'homosexualité est banalisée, où la médecine a tant évolué, une horreur bien humaine a pourtant subsisté : le racisme. Les membres du Ku Klux Klan ont, dans cette autre réalité, commis de nombreux massacres et fait des millions de victimes pour une seule raison, celle de leur supposée supériorité raciale. Notons tout de même que dans ce monde comme dans le nôtre, la dite race inférieure n'a jamais commis la moindre ignominie comparable aux leurs. Mais j'enfonce une porte ouverte, non ?
La série débute donc sur un massacre, qui comme tout massacre est insupportable à voir. Surtout du point de vue d'un tout jeune garçon. La (très) longue scène se déroule à Tulsa, Oklahoma, en 1921. Des membres du Ku Klux Klan ont convaincu les blancs de massacrer chaque habitant de couleur. Les images sont fortes, violentes, rapides, désordonnées. L'enfant survit, et disparaît dans la nature.
Retour à Tulsa, en 2019. Les suprémacistes blancs sont plus discrets, mais toujours présents, masqués différemment. Les policiers de l’État d'Oklahoma portent eux aussi depuis quelques années des masques (jaune fluo) cachant leur identité, protégeant ainsi leur vie et celle de leurs familles. Les lieutenants de police ressemblent ici à des justiciers : masqués de façon originale (cagoule rouge, filet de pêche, masque-miroir ou simple trait noir), portant des surnoms, autant pour conserver leur anonymat que pour le style.
Rencontre avec le personnage principal Angela Abar, aka "Sister Night" (Regina King). La série met en avant une héroïne forte et indépendante, mère de famille, amoureuse de son mari, fière de son métier. Le genre de personnage inexistant dans le monde des héros jusqu'à récemment. Ces personnages ne sont toujours pas banals et méritent donc quelques réjouissances, malgré notre génération post #MeToo.
Watchmen a plu et continue de plaire pour son extrême actualité, bien que situé dans un monde parallèle. En effet, « nos » États-Unis sont loin d'avoir réglé le problème du racisme inter-communautaire. Un président comme Donald Trump ne cherche pas à stopper ce combat, ni même à le calmer (cf. affrontements de Charlottesville en 2017). Le Ku Klux Klan n'est plus aussi faible qu'avant, mais heureusement loin de l'être autant que dans la série. Celle-ci montre ainsi un monde où les suprémacistes blancs sont omniprésents et puissants. Et ce monde n'a pas de quoi faire rêver. Il pousse au contraire à la réflexion. Une réflexion toujours bienvenue.
Tenue en haleine tout du long par un scénario parfois très complexe et radin en explications, la série Watchmen marche dans la lignée de ces réinterprétations de comics, où le récit est aussi bien respecté que complété. La bande son, rythmant un montage serré, est essentielle à l'ensemble. Les personnages sont très bien caractérisés, tant qu'on les retient immédiatement. Les enjeux sont clairs. Le mystère est présent. Les héros sont nuancés. L'ensemble est lisible. Bonne série en somme. J'ajouterai que ces personnages masqués sont tous très "coronavirus vibe", à peine dépaysant.
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