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Photo du rédacteurManon Bellahcene

Compartiment n° 6 : une embarcation rafraîchissante

Après avoir été l'un des grands favoris du Festival de Cannes 2021, Compartiment n° 6 a fait son apparition dans les salles françaises le 3 novembre dernier. Entre voyage et abolition des préjugés, le film finlandais propose un nouveau regard sur l'amour.



Après avoir été récompensé avec Olli Mäki, recevant le prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2016, le réalisateur finlandais réalise l'exploit avec Compartiment 6 — inspiré du roman de Rosa Liksom —, récompensé du Grand Prix du Jury cette édition.



La rencontre avec soi-même


C'est sous le paysage glacial de Russie que Laura (Seidi Harlaa), une étudiante finlandaise, décide d'entamer un voyage en train afin d'aller admirer les pétroglyphes sur un site archéologique en mer Arctique. Ce voyage frigorifiant va durer plusieurs jours et Laura sera contrainte de vivre dans une voiture couchette vétuste avec un inconnu : un mineur Russe, prénommé Ljoha (Youri Borissov), qui aux premiers abords, n'inspire pas confiance... Ces deux êtres abimés par la solitude auront du mal à se connecter, de par leurs réticences et a priori : lui pense qu'elle se prostitue, elle pense que c'est un pauvre ivrogne.


L'ambiance paraît d'abord inquiétante, ravivant l'esprit woke évoquant l'insécurité des femmes dans les transports en commun. Ljoha pense que Laura est une prostituée, il est ivre : tout porte à croire que le scénario peut déraper et que le drame peut arriver. Que nenni ! Le train-movie prend une forme rassurante de liberté extérieure et intérieure. Laura s'imagine comme intégralement intellectuelle : au fur et à mesure du voyage, de ses arrêts et de ses étapes, la jeune finlandaise se voit dans le regard de Ljoha, s'y retrouve et s'accepte finalement telle qu'elle est.


"L'histoire traite aussi bien de la rencontre avec l’Autre que de la plongée en soi-même pour tenter de comprendre et d’accepter qui l’on est."

- Juho Kuosmanen, réalisateur de Compartiment n° 6




Un regard frais sur la Russie


Après une relation amoureuse énigmatique avec une femme, Laura décide d'aller jusqu'au bout de son projet – projet qu'elle prévoyait de partager avec sa partenaire. Au départ, l’excursion à un goût de solitude amère et de déception flagrante. Laura est seule et découvre les joies de voyager en Russie en tant que non-native : quelques difficultés linguistiques, différences culturelles, elle découvre également le charme quelque peu poussiéreux d'une Russie méconnue.



Image du film ( © Haut et Court)

C'est à travers l’œil de sa caméra que la protagoniste cherche à immortaliser ce voyage en le dédiant à celle qui devait l'accompagner. Déçue, c'est au milieu des séquences de contemplations que le spectateur devine la perdition de Laura, ne sachant pas comment interpréter ce voyage en solo. Ljoha, l'ivrogne de sa voiture couchette, va se révéler être une rencontre décisive dans son voyage.



En effet, la jeune finlandaise n'a pas pu s'empêcher de le juger lorsqu'elle a constaté son alcoolisme, sans savoir que l'addiction à la boisson est grandement banalisée en Russie. Après avoir chassé ses jugements trop Européens pour les circonstances, Laura s'est ouverte à la discussion avec Ljoha, tout d'abord par contrainte et ennui, et ensuite par réel plaisir. Le bad boy Russe, un poil bourru, au regard d'un bleu perçant, est en réalité d'une simplicité touchante. Contrairement à Laura, Ljoha ne cherche qu'à vivre le moment présent, sans se poser de questions.



Mains froides, cœur chaud


Curieusement, un touriste finlandais au physique romantique viendra s'immiscer entre Laura et Ljoha, pensant se lier d'amitié avec la protagoniste, elle aussi finlandaise. Cependant, le touriste, n'allant pas jusqu'au bout du voyage, quitte le train et dérobe la caméra de Laura. Véritable signe du destin, Laura, paniquée à l'idée de ne plus pouvoir enregistrer ce qu'elle voulait transmettre à sa partenaire (ressemblant davantage à son ex-partenaire), pourra enfin se consacrer pleinement à son excursion, sans se préoccuper d'enregistrer tout et n'importe quoi.


Image du film ( © Aamu Film Company)

C'est derrière les notes de l’indétrônable tube de Desireless, Voyage, voyage, que la magie prend. L'alcool coule à flot, les cigarettes s'enchaînent et les langues se délient... Ljoha et Laura partagent leurs galères, s'ouvrent de manière naïve et touchante sans se soucier du passé et du futur.


Même s'il ne parvient pas à se souvenir du terme "pétroglyphes", Ljoha va faire des pieds et des mains pour que Laura parvienne à accéder au site archéologique, fermé à cause d'une tempête de neige. Amitié ou amour ? Ce qui est certain, c'est que les deux protagonistes vivent quelque chose d'authentique et de pur.




Le film est la preuve que ce n'est ni l'endroit ni la météo qui importe, mais la personne. Un lieu, aussi austère soit-il, peut devenir un souvenir, un moment inoubliable dans la mémoire de deux individus, une rencontre qui marquera à jamais leurs vies.

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