La saison 3 de la série politique produite par Canal + s’est achevée au début de l’année sur un cliffhanger remarquable. Quatre ans après la diffusion de la première saison, la série évolue en calquant son scénario sur l’actualité française.
Baron Noir, c’est avant tout l’histoire de Philippe Rickwaert (Kad Merad), ogre politique en puissance, tirant les ficelles d'un pouvoir qu'il n'incarne pas. Homme de gauche, il se bat contre les injustices sociales, faisant de la cause ouvrière dunkerquoise (ville dont il est le maire) son cheval de bataille. Très vite, les revendications défendues ne masquent plus l’ambition du bonhomme. Coup bas, trahisons, tout est bon pour atteindre son objectif inavoué, la présidence de la République. Rickwaert est un homme sans concession, prêt à tous les sacrifices comme à toutes les alliances.
Avec un personnage central si complexe et brillamment développé, la série s’offre un argument de poids, d’autant que Kad Merad, pourtant habitué des comédies familiales, excelle dans ce registre beaucoup plus dramatique.
Réalisme
La série est portée par un réalisme succulent. L’environnement politique y est pointilleusement décrit, dans toutes ses facettes. Du militantisme local à l’antenne dunkerquoise du Parti Socialiste aux luttes partisanes à l’Assemblée Nationale en passant par les enjeux régaliens à l’Elysée, tout y passe ! Et pour cause, Eric Benzekri, co-auteur a baigné dans les coulisses politiques pendant une vingtaine d’années. D’abord, militant lycéen au PS, Benzekri deviendra attaché parlementaire du socialiste Julien Dray, avant d’écumer les cabinets, notamment celui d’un certain Jean-Luc Mélenchon ministre délégué à l’enseignement professionnel sous Jospin entre 2000 et 2002.
Benzekri, militant passionné puis professionnel de la politique (avant de la quitter au milieu des années 2000) possède un œil particulièrement perspicace sur les évolutions sociétales. En 2015, il avait anticipé la déconvenue du Parti Socialiste et l’arrivée d’une alliance libérales au centre du spectre idéologique. Parmi les protagonistes, Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis) est un Macron au féminin quand Michel Vidal (François Morel) et son Debout le Peuple sont le portrait craché de Mélenchon et sa France Insoumise tant critiquée pour son manque de démocratie interne.
Eric Benzekri à Paris le 17 janvier 2018, JOEL SAGET / AFP
Populismes
Par cette capacité à refléter voire anticiper les mouvements de l’échiquier, la série est un réticule passionnant de la vie politique française. Faut-il s’inquiéter ? Dans la saison 3, la caste politique est gravement atteinte par la montée des populismes. Le mouvement des gilets jaunes y est habilement représenté, peut-être plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui cependant, mais porté par des enjeux qui entrent largement en résonance avec nos problématiques bien réelles.
Sans prétention, mais avec beaucoup de justesse, Benzekri tire la sonnette d’alarme. Il est trop facile de se laisser tenter par les discours populistes, ceux qui, selon Michel Vidal dans la série « volent nos mots, s’accaparent nos causes ». La fiction vire à la tragédie, soyons suffisamment intelligents pour l’éviter dans notre monde, semble nous avertir l’auteur. Espérons que son sens de l’anticipation ait ses limites.
Baron Noir, une série disponible sur mycanal.
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