Le réalisateur japonais Ryusuke Hamaguchi s'est plongé dans la réalisation d'une adaptation cinématographique de Drive My Car, une nouvelle du recueil Des hommes sans femmes (Haruki Murakami, 2014).
Paru en 2014 et écrit par l'émérite Haruki Murakami, écrivain et essayiste japonais de renom, Des hommes sans femmes rassemble plusieurs nouvelles, se concentrant principalement sur des hommes ayant perdu leurs femmes dans des conditions spécifiques (mort, séparation, autres...). Murakami détient environ une douzaine de distinctions, comme le Prix Franz Kafka, reçu en 2006. Ses œuvres sont traduites en cinquante langues et se vendent à des millions d'exemplaires. L'écrivain est une véritable pointure dans le monde littéraire japonais.
Une adaptation... de trois heures
Ryusuke Hamaguchi, lui, décide de faire durer la trame de l'histoire en réalisant un film de trois heures. Un choix osé pour l'adaptation d'une nouvelle. Toutefois, le travail a porté ses fruits, puisque le film a remporté le prix du scénario au Festival de Cannes 2021.
Le personnage principal est Yusuke Kafuku, metteur en scène de théâtre et comédien, marié à la comédienne Oto Kafuku. Cette dernière a mis sa carrière en stand-by depuis la perte brutale de leur fille. Depuis, le couple bat de l'aile.
Pendant l'acte, Oto se livre à des contages de récits improvisés érotiques. Même si leur entente n'est plus celle d'avant, leurs ébats les permettent de retrouver une complicité en lien avec leur profession et passion : le théâtre.
Malgré la proximité charnelle, Yusuke surprend Oto en train de coucher avec un jeune acteur, dans le canapé de leur salon. Yusuke se privera d'en parler à sa femme, et le regrettera, puisque Oto est victime d'une attaque et meurt prématurément.
Un drame psychologique
Un tourment psychologique vient s'installer après ce drame. Yusuke va se retrouver constamment en contact avec l'amant d'Oto durant le festival de théâtre de Hiroshima, monté par Yusuke lui-même. En effet, l'amant fait partie de pièce de théâtre d'Anton Tchekhov, Oncle Vania.
À côté de cela, Yusuke se voit dans l'obligation d'arrêter de conduire sa voiture (une Saab 900), en raison d'un accident de la route. Le metteur en scène apprend qu'il va perdre progressivement la vue de son œil gauche. De ce fait, il sera dépendant d'une jeune femme réservée, appelée Misaki Watari. Celle-ci devra conduire et accompagner Yusuke dès qu'il en aura besoin.
En plein deuil, Yusuke se voit vivre dans une proximité troublante avec les autres. Néanmoins, la proximité de l'habitacle n'est pas un antidote immédiat aux maux.
La mise en scène suggère un angle poétique d'une reconstruction de deux êtres abîmés par les drames de la vie. Le tout à travers les jeux de lumières, la bande-originale et surtout les paysages et décors (paysage enneigé, scène de théâtre, bord de mer, etc.), proposés tout au long du voyage cinématographique.
Le film est finalement l'exposition du deuil sous forme de pèlerinage routier. Sans le savoir d'emblée, le passager (Yusuke) et la conductrice (Misaki) ont une route en commun : le deuil. Car tous les deux souffrent de la mort soudaine d'un proche.
Une dernière scène ouverte
Le pèlerinage continue pour Misaki, car la dernière scène du film laisse penser que la jeune femme a continué de voyager vers le Sud. En effet, la jeune conductrice se retrouve dans une épicerie Coréenne en pleine pandémie de Covid-19. On imagine alors que sa période de chauffeur privée de Yusuke a pris fin et que la jeune femme continue sa route vers la guérison...
Les critiques divisent : certains ont accueilli le film comme une véritable leçon de vie, un récit cinématographique bouleversant de tendresse (cf. les scènes en langages des signes), alors que d'autres sont à contre-courant et pointent du doigt la durée du film, considérée comme exagérée. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut du carburant pour regarder Drive My Car !
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