Voyage en Zemmouristan. Le couscous, plat préféré des Français. Des chiffres et des références, en veux-tu, en voilà. Créolisation et assimilation. L'un perd son stylo, l'autre scrolle de droite à gauche sur son smartphone... Un spectacle tout à fait inédit que nous a offert BFMTV ce jeudi 23 septembre à 20h55, et qui a rassemblé 3,81 millions de téléspectateurs.
Avec comme animateurs Maxime Switek et Aurélie Casse pour donner le tempo, les invités, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon – grands chevronnés des plateaux télé – se seraient bien passé du cadre prévu et de l'ordre des parties à traiter. D'entrée, les deux ténors du plateau s'étaient lancés dans la course du débat, sans attendre les indications des journalistes. Maxime Switek a dû freiner Éric Zemmour dès le début de l'émission.
Un débat qui tourne aux retrouvailles
Il faut dire que ces deux-là avaient des choses à se dire ! Car oui, les médias n'ont pas manqué de souligner leur relation passée : en effet, Jean-Luc Mélenchon avait assisté aux 50 ans d'Éric Zemmour en 2008. Le leader de la France Insoumise s'est expliqué sur leur ancienne relation, en disant qu'à l'époque, Éric Zemmour était plus modéré puisqu'il était de droite, ce que le polémiste a validé d'un hochement de tête.
Bien que les retrouvailles furent touchantes, la forme de ce débat était d'une particularité étonnante. Le plateau était agencé d'une telle façon que la suggestion d'un débat pour les prochaines élections présidentielles ne faisait aucun doute. Deux tables face à face avec un compteur à respecter, des sujets à aborder dans un ordre précis et des journalistes pour guider ou calmer le débat. Tout porte à croire que les deux personnages tiennent à propager leur vision d'un avenir meilleur pour la nation. D'où l'aspect totalement inédit de ce débat, puisqu'un seul d'entre eux a confirmé qu'il allait se présenter aux élections présidentielles de 2022 : Jean-Luc Mélenchon !
Éric Zemmour lui, n'a rien annoncé et pourtant, le traitement médiatique que les médias lui réservent est digne d'un futur candidat.
Deux philosophies
Il faut dire que l'annonce d'un débat entre les deux ex-camarades a fait couler beaucoup d'encre. La légitimité d'un éventuel débat était remise en cause : faut-il débattre avec Éric Zemmour ? Et pourquoi pas ? Pourquoi faudrait-il ignorer ou esquiver la confrontation avec le polémiste qui a excellé sur CNEWS ?
Jean-Luc Mélenchon répond que Zemmour est une menace et qu'il ne veut pas se risquer à le laisser contaminer le champ politique en restant passif. Pendant que certains prônent la stratégie de l'ignorance pour éviter d'accorder de l'importance à l'adversaire, d'autres fonce dans le tas. À vous de choisir...
Rattrapage de lacunes
Le débat n'a pas manqué d'être instructif, puisque les deux érudits n'ont pas pu s'empêcher de parsemer leurs arguments de références et citations historiques : Christine de Pizan, Clovis, Clermont-Tonnerre, en passant par l'esclavage, Montesquieu, Henri Bergson, Rabelais et Talleyrand. Les deux débatteurs font un sans-faute en ce qui concerne l'étalage culturel, mais leurs interprétations respectives des événements entrent en permanence en collision.
Le désaccord le plus évident entre les débatteurs se focalise sur l'immigration qui, pour Éric Zemmour, est le fond même d'un suicide français. Le polémiste insiste sur le drame d'une assimilation inexistante chez les populations arabo-musulmanes ; un drame esquissé sous forme d'une France cauchemar. Une France "en voie d'appauvrissement", alors que Jean-Luc Mélenchon considère la France comme "un pays si riche !". Deux salles deux ambiances... Soit l'un est d'un pessimisme glaçant, soit l'autre d'un optimisme déraisonnable.
Le fact-checking à la rescousse
Quoi qu'il en soit, les deux encyclopédies sur pattes n'ont cessés de s'écharper à coup de chiffres et de réfs ; des chiffres, qui ont pu parfois être contestés par les fact-checkers, qui ont pour but de vérifier les chiffres donnés lors du débat.
Des chiffres qui n'étaient pas toujours vrais, notamment pour les "cinquante milliards d'euros de fraude sociale" avancés par Éric Zemmour (calcul en référence au livre de Charles Prats, Cartel de Fraude). Un chiffre vérifié et réfuté par Amélie Rosique (après fact-checking), qui elle dénonce un milliard de préjudice, c'est-à-dire cinquante fois moins que ce que le polémiste dénonçait.
D'ailleurs, Éric Zemmour n'a pas pu s'empêcher d'éclabousser de mépris la journaliste en lui attribuant l'adjectif "ridicule". Les échanges entre les débatteurs étaient cependant plus sympathiques, contents de s'octroyer des "Là, vous avez raison" , "Là, je suis d'accord avec vous", probablement nostalgique d'une époque révolue (2008)...
Il faut dire que Jean-Luc Mélenchon ne brillait pas non plus pour son exactitude concernant les chiffres qu'ils proposaient, notamment sur des Français privés d'électricité pendant l'hiver. L'argument a été – lui-aussi – démenti par le fact-checking. Sa précision pour ses réfs' n'était pas parfaite, elle non plus, puisqu'il a attribué la citation "L'avenir n'est pas ce qu'il va arriver, mais ce que nous allons faire" au philosophe Gaston Bachelard, alors qu'Henri Bergson en est l'auteur...
Les avis divergent concernant le vainqueur du débat. Il faudra être patient avant d'entrer dans le vif du sujet, à savoir : qui aura l'étoffe d'un futur Président ?
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