À découvrir dans les salles le 26 janvier, le film Les Promesses, réalisé par Thomas Kruithof, nous plonge dans la vie politique de terrain. Sélectionné en compétition à la Mostra de Venise 2021, il s'agit du second long métrage du réalisateur, après La Mécanique de l'ombre en 2017.
Pour son retour, le réalisateur nous présente un film mettant en lumière non seulement l'insalubrité de certains quartiers paupérisés, mais aussi les tourbillons de la politique. En bref, c'est l'histoire de Clémence, maire dans le 93, qui mène une bataille pour sauver le quartier des Bernardins et de plus des 3000 résidents. Son plan de sauvetage se retrouve chamboulé quand elle est approchée pour devenir ministre. Pourra-t-elle dès lors tenir ses promesses ?
Les rouages de la politique
Redynamiser la cité HLM. Voilà l'objectif de Clémence avant de prendre sa retraite après 12 ans de mandat. Et le projet a toutes ses chances d’aboutir. En effet, le Premier ministre fait partie de la même majorité politique qu’elle et va bientôt donner une réunion pour discuter de la réhabilitation de certaines villes de banlieues. Elle peut également compter sur un ami, Jérôme Narvaux, le leader du projet.
Toutefois, son plan est mis à mal quand des locataires rechignent à payer leurs charges tant que les locaux ne seront pas rénovés. Dès lors, elle doit réunir une grande partie des sommes dues pour voir son projet appuyer par Narvaux. Si elle n’y parvient pas, c’est une autre ville qui bénéficiera des aides.
De plus, Narvaux laisse espérer à Clémence un poste de ministre, ce qui la laisse pantoise et la fait complètement douter. En parallèle, Yazid, son directeur de cabinet et perplexe par le changement soudain de Clémence, décide de mener la bataille de son côté. À travers ces trois personnages, il est facile d’observer le fonctionnement même de l’appareil politique. À la base, Yazid apparaît comme un politicien de terrain à l’écoute de ses concitoyens, prenant en considération leurs inquiétudes. Clémence en fait également partie, mais elle est embarquée dans les hautes sphères du pouvoir qui usent de leur influence. Quant à Narvaux, il ne semble pas se préoccuper un instant de la cité HLM, mais seulement de ses petits intérêts personnels. Il veut se faire bien voir des élites et en l'occurrence du Premier ministre, car il n’y a qu'une seule personne à qui il doit rendre des comptes. Il ne pense pas aux individus qu’il considère comme des pions interchangeables. Même si ce n’est pas la cité HLM des Bernardins qui sera rénovée, une autre le sera.
Comment rester honnête dans ce milieu ? Comment tenir ses promesses ? Le personnage de Yazid le dit lui-même : "Une promesse non tenue n’est pas un mensonge !". Est-il alors nécessaire de mentir pour obtenir ce que l'on souhaite ? À l’approche des élections présidentielles, les candidats continuent de faire des promesses pour séduire les électeurs. Ceux qui sauront les tenir seront méritants.
La face cachée de la dure réalité
En dehors du monde de la politique que nous apercevons dans ce film, celui-ci nous fait davantage prendre conscience d'une réalité à laquelle sont confrontés de nombreuses personnes : l'insalubrité de certaines cités de banlieues. Le réalisateur l'énonce lui-même :
"Je ne voulais pas que ce film soit angélique".
- Thomas Kruithof, avant-première du film à l'UGC de Lille.
Et cela se poursuit notamment avec les pratiques des "marchands de sommeil". Bailleurs, ils fournissent des hébergements à titre onéreux et dans des conditions très misérables. Dans le film, un habitant paye plus de 800€ pour un appartement de 10m² très indécent, sans compter les cafards qui y vivent. L'isolation est également déplorable et les fuites d'eaux sont courantes. À l'avant-première du film, le réalisateur indique qu'à leur arrivée sur les lieux du tournage pour filmer les premières scènes, il était inutile de simuler une fuite d'eau. Il y en avait presque tous les jours et elles se répercutaient dans bon nombre d'appartements.
Ce film nous amène alors à nous demander quel changement la maire peut-elle apporter dans la vie des gens ? Ces mêmes gens qui espèrent d'obtenir de meilleures conditions de vie. Cette réalité est un défi important des politiciens actuels. En effet, le logement est un sujet essentiel de la politique locale, qui doit être un endroit sain et hygiénique pour tout individu. Espérons que cette question sera davantage prise en considération à l'avenir.
Une interprétation plus vraie que nature
Pour tenir les vedettes de son film, le réalisateur n'a eu aucun doute. Il a choisi Isabelle Hupert et Reda Kateb dans les rôles respectifs de Clémence et Yazid : "J'avais Reda en tête, c'est tout", mentionne en souriant Thomas à l'avant-première du film, le 12 janvier à l'UGC de Lille. Il savait tout de suite que le personnage incarnant Yazid allait être Reda. De fait, il ne s'est inspiré d'aucun homme politique.
Quant à Reda, contrairement à certains films où il peut improviser, son rôle très technique laissait peu de place à l'improvisation. Pour interpréter de manière fidèle son personnage, l'acteur a rencontré quelques personnes, mais c'est surtout le réalisateur qui l'a aidé, en ayant abordé un maire de La France insoumise et une maire du parti des Républicains. Néanmoins, comme il l'indique, cela a été très difficile de les distinguer puisque, même si venant de partis distincts, les deux partagent des idées politiques similaires. Ainsi, Reda s'est inventé son propre personnage. Et c'est très réussi : le duo Isabelle Hupert et Reda Kateb montre une puissante complémentarité et sensibilité qui rend le film époustouflant.
Passionnant de bout en bout, ce film dévoile une bien triste peinture des jeux de pouvoirs, mais laisse transparaître un certain espoir à travers le courage d'acteurs politiques. Les salles obscures n'attendent donc plus que vous pour découvrir ce long métrage dès le 26 janvier prochain.
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