Qui est donc Le Diamantaire ? Bonne question. Le Diamantaire est un street-artist connu depuis maintenant 2011 qui colle absolument partout de fabuleux petits diamants dans les rues du monde entier.
Le Diamantaire et la matière brute, une histoire d’amour.
Le Diamantaire est un artiste de la technique. Il aime les volumes, les formes,... Quand il regarde une expo, il regarde comment c’est fait. C’est pour ça qu’il a autre chose à proposer au public.
« Comme j’aime tout faire par moi-même, j’aime bien la matière brute. »
Cette phrase est l’un de ses traits de personnalité fort. Tout faire par soi-même. D’où l’importance dans la technique, le travail des matériaux. Pour fabriquer ses diamants, il récupère le verre qu’il trouve pour former une oeuvre d’art qui ira sublimer un coin de rue. Avant de travailler le verre, il faisait de la métallurgie, étant chaudronnier. D’ailleurs, en 2014, après avoir passé 3 ans à ne fabriquer presque que des diamants, le travail en volume lui manquait.
"Tu travailles une matière première que tu transformes, mais après le travail du miroir et celui de l’acier c’est pas du tout le même. J’avais envie de souder, de découper, de me bruler, changer la matière."
"C’est pour ça que je suis repassé vers la sculpture rapidement. Car même si j’adore l’idée des diamants, c’est du verre, c’est en 2D, c’est très plat. J’avais besoins de palpable."
C’est une véritable passion des matériaux. Une passion du manuel. Une passion de la transformation.
"Le seul défaut avec la passion, c’est que tu travailles H24. Le matin tu te lèves, tu sais pourquoi tu vas bosser. Tu fais tes propres projets. Tu transformes une idée en quelque chose de concret. C’est incroyable. Tu crées. Tu crées en fonction de ton budget, mais tu crées. C’est plus dur quand t’as pas un rond. Au départ quand je ramassais le verre dans la rue, c’était pas pour la branlette intellectuelle, j’avais pas de tunes. Il fallait trouver de la matière quelque part. Mais après c’est sûr que c’est intéressant de prendre un rebut et d’en faire un diamant."
Le diamantaire n’est pas que dans la rue.
En parallèle, le diamantaire fait d’autres projets. Cela lui a permis de trouver sa place dans les galeries d’arts et les expos huppées. Un moyen de faire autre chose, faire des sculptures sans se les faire voler. La rue et la galerie ont chacune à s’apporter.
"Je ne me mets pas d’étiquette, on dit que je suis street artist. C’est vendeur. C’est bien car tu es dans une mode, après c’est relou car certaines galeries t’acceptent pas. Du coup tu travailles tout le temps avec les mêmes. C’est pas une barrière, c’est 50/50. Puis de toute façon ça veut plus rien dire."
"Regarde Banksy avec son « street art », c’est juste devenu un procédé, un style. L’artiste fait du street art. Y’a des « street artist » qui n'ont jamais rien posé dans la rue. Le street art, on y met tout. C’est une étiquette poubelle. C’est un peu de la merde comme étiquette en fait (rires). Mais bon c’est comme ça hein."
Le mot est lancé. Voir un street artist prendre du recul et s’interroger, c’est sympathique. Un art de rue donc, mais plus trop quand même.
"Une fois j’ai reçu un mail de Netflix : "Voilà, on a envie de tourner une séquence dans cette rue mais y’a un diamant, vous nous autorisez ?". Pour dire que même dans la rue, et surtout en France, le droit d’auteur est protégé. Après, tu fais un acte illégal, donc c’est compliqué d’aller demander réclamation si on casse un de tes diamants. Tu vas peut-être gagner ton procès, mais du coup tu vas en avoir un second pour avoir dégradé le mur. C’est complexe."
"Aux USA, c’est pas du tout la même, la rue est à tout le monde, rien n’est protégé. Puis globalement on croit que ce qui est dans la rue appartient à tout le monde donc on vole. Mais c’est ma propriété, c’est comme voler un musée. Puis c’est naze. Tu retires quelque chose à tout le monde en fait."
"C’est comme ça, le gars il voit un Invader il voit surtout que ça vaut 10 000 €. Tout a une valeur aujourd’hui."
Gérer l’ambiguïté entre illégalité et être artiste, ça ne doit pas être facile. Surtout que Le Diamantaire est un des rares à être démasqué.
"Pas montrer sa tête, c’est un effet de mode. Ça m’a rapidement été un frein. C’est vendeur, mais c’est relou. Tu peux pas faire d’interviews ni de photos. En vrai, les gens aiment bien voir la tête du créateur. C’est passé celui qui vend avec le mystère de l’anonymat. Invader et Banksy le font, mais c’est une galère."
"Puis il est intéressant le côté vedette, le côté "je suis artiste, j’ai de l’argent, je suis bling bling, je le montre et je m’en fous quoi." C’est très drôle."
Le street art aujourd’hui, c’est devenu compliqué.
Le diamantaire a ramené la beauté dans la rue avec de belles pièces fragiles, une sorte de paradoxe entre la violence urbaine et la pureté de ces pièces.
"Oui c’est vrai, j’ai totalement pris le contre pied du graffiti un peu sale, mal vu. J’ai préféré offrir un symbole de luxe à la rue. Après je fais surtout ça parce que c’est cool et que j’en ai envie. Les gens se rendent pas compte à quel point c’est dur d’exposer dans la rue. J’ai été complexé par mon travail. Tu dois être sûr que c’est assez bien et que ce que tu proposes est intéressant et visuellement assez beau pour être exposé publiquement. C’est une responsabilité. Tu dois être sûr de toi à 100% quand tu vas aller coller illégalement 1000 diamants."
Le diamantaire est un perfectionniste dans l’âme. C’est le genre d’artiste qui peut passer des journées enfermé dans un atelier à créer des formes, des modèles 3D, enfiler une paire de gants bien robuste, prendre un chalumeau, un marteau et hop, c’est parti. Un perfectionnisme à des kilomètres de certains autres "street artists" qui passent souvent plus de temps en réunion "marketing" qu’à mettre les mains dans le cambouis.
"Les gens doivent faire la différence entre graffiti et street art, c’est important, même pour les mecs qui font du graffiti. Ça fait 15 ans que c’est cool, donc forcement y’a beaucoup de merde (rires). Aujourd’hui, on pose 3 trucs dans la rue mais surtout on propose sa boutique avec ses trucs à vendre. Plus de passion, beaucoup de business. La nouvelle génération elle est un peu pétée (rires), ça fait des grandes façades d’immeubles en toute légalité et on dit c’est du street art. Le street art c’est devenu une pub pour vendre. L’exemple typique c’est Banksy. Il a rendu le street art mainstream. Il a développé le truc quand même, mais bon. Il a montré à tous que c’était devenu un vrai courant artistique qui se vend et qu’il n'y avait pas que des banlieusards qui faisaient du graffiti."
On touche un point sensible. La majorité des puristes du street-art vous le dirons : le graffiti, ce n’est pas du street art. Le Diamantaire revient sur cette nuance qui n’en est pas une pour beaucoup…
"Le graffiti vient du hip hop, de la banlieue, avec des mecs en mode un peu racaille. Le street art c’est juste un gars, n’importe qui, qui a une idée à faire partager à tous. La différence est énorme. Aujourd’hui pour un lambda, tout est street art."
"Les gens doivent faire la différence entre graffiti et street art, c’est important, même pour les mec qui font du graffiti."
"Car en vrai ils peuvent pas blairer les mecs du street art. Pour eux, faire des galeries, c’est être un vendu, mais en même temps ils sont un peu jaloux car ils aimeraient vendre autant. C’est le paradoxe…. C’est deux univers en fait. C’est une autre culture, le graffiti c’est pour les mecs du graffiti."
Sur ces belles paroles, nous allons conclure. Le Diamantaire a énormément désacralisé l’image urbaine du street art. Il l’a sublimée, avec la lumière et la volupté de ses diamants. Il s’est invité dans les galeries, et plus les années passent, plus les projets se diversifient. On le trouve même dans les églises maintenant. Malgré toutes les possibilités artistiques que propose Le Diamantaire, celui-ci reste intègre, simple, s’assume et continue d’aller poser illégalement quelques diamants entre deux expositions. D’ailleurs, dès que la Covid-19 se calmera, vous pourrez retourner dans les rues de votre ville et partir à la recherche de cet art merveilleux et complexe : le street-art.
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