Le rappeur originaire d’Angers a fait son retour sur le devant de la scène ce vendredi, avec la sortie de Ciel Enflammé. Réédition de son album Sacré, paru le 7 mai dernier, l’artiste nous dévoile 12 nouveaux titres, comprenant des collaborations atypiques, avec notamment Cœur De Pirate, ou encore Sofiane Pamart. L’occasion de revenir sur sa carrière ascensionnelle.
Une passion à l'encre noire
C’est au cœur d’une jeunesse houleuse, marquée par les décès des siens, la pauvreté d’un quartier dont il cherche à se libérer et la quête d’un ailleurs, loin de cette réalité le plongeant dans une profonde dépression, que Georgio commence à écrire. Avant tout un moyen de s’évader d’un quotidien morose, le rap deviendra une passion, avant de se transformer en une raison de vivre. Il trouvera assez rapidement son public et c’est grâce à celui-ci, et le principe du financement participatif, que l’artiste sortira son premier album Bleu Noir en 2015.
Comme son nom l’indique, le projet est sinistre, sombre. Georgio traite de la dépression, de la névrose, de la solitude et des oubliés. Il lutte contre ses propres démons, nous dévoile ses joies, mais surtout ses peines. Féru de littérature, certains titres, comme La Celle-Saint-Cloud ou Des mots durs sur des bouts de papiers, illustre une plume poétique qui ne cessera de s’affirmer au fil des projets.
L'amour comme moteur
Un an plus tard, le 4 novembre 2016, Héra voit le jour. Un deuxième album significatif de changement pour le rappeur. Le choix du titre pour ce projet n’est pas anodin : Georgio a grandi, évolué et mûri. Il croit en la vie, l’espoir et l’amour. La mélancolie et la noirceur l’accompagnent toujours, mais il se révèle combatif, prêt à renoncer à cette dépression l’empêchant de s’élever et de rencontrer la vie.
Il le citera lui-même en interview, définissant son œuvre comme un "hymne à la vie". Ces propos prennent forme dès l’intro, avec le titre L’espoir meurt en dernier. Bien que certains morceaux laissent transparaître un combat contre les eaux tumultueuses d’une errance existentielle encore inachevée, il clamera de façon générale une envie de sortir de cet état apathique. C’est avant tout l’amour, qui n’est autre que son moteur personnel, qui lui offrira cette renaissance. Le titre phare de son œuvre, Héra, au sein duquel il traite ce sujet, sera un vecteur important du disque d’or qu’obtiendra l’album.
Nous l’avons vu précédemment, Georgio est un passionné de poésie. Certains de ces textes en sont empreint, comme L’or de sa vapeur rouge. Voluptueux, ce texte est un condensé métaphorique que l’on pourrait lire plutôt qu’écouter. Sa vision de la femme est également notifiable. Mama Rita et Svetlana et Maïakovski sont des storytellings dépeignant le quotidien ardu de certaines femmes et le courage de ces dernières faces aux difficultés auxquelles elles sont confrontées.
La guérison psychologique du rappeur influe aussi une variété mélodique nouvelle. Aux côtés de Angélo Foley, les sonorités se veulent davantage mélodieuses, mais également rock’n’roll à l’instar de À quoi bon courir ?, issu de la seconde partie de l’album. Un écrin musical et aérien de qualité, s’adaptant parfaitement à la ligne poétique de Georgio. Le rappeur a grandi et regarde devant lui.
XX5, la confirmation
Après une pause de deux ans, l’artiste fait son retour en automne 2018 pour la sortie de son 3ème projet, XX5. L’album est relativement riche, aux multiples facettes. La rage enivrée par une enfance chaotique est intacte, tandis que ses espoirs s’intensifient. Georgio s’inspire désormais de l’amour, mais aussi de la nostalgie, pour continuer à avancer. Le rappeur est enfin parvenu à se détacher de l’autocritique constante que son esprit lui inflige, du regard des autres, ainsi que de ses traits de déprimes fatalistes. Il se sert de ses anciennes tortures afin d’accéder à un palier nouveau. Une évolution de plus, en lien avec celles perceptible sur Héra.
Le rappeur francilien choisit son âge comme titre pour cette œuvre. Une façon d’appuyer, pochette aidant, une page se tournant symboliquement. Un enterrement en bonne et due forme pour marquer un tournant de carrière. En offrant une synthèse de ces deux précédents albums, Georgio continue alors de marquer son territoire, s’entourant d’artiste de prestiges tels qu’Isha et Vald. Il signe un ensemble cohérent et abouti, confirmant le potentiel énorme qu’il possède.
Le sacre de Georgio
Georgio réapparaît sur la scène musicale le 7 mai dernier. Il maîtrise l’équilibre parfait entre rap et chant, entre textes travaillés et musique puissante : à seulement 28 ans, Georgio n’a déjà plus rien à prouver. Le rappeur a fait du chemin depuis Bleu noir. Il revient aujourd'hui apaisé, avec son 4ème album, Sacré, dans lequel il livre un rap maîtrisé, assumé et brillant. De par une écriture carrée et une honnêteté désarmante, l’artiste semble avoir trouvé son osmose musicale. Sacré est une œuvre finement finalisée. Entre rêves et souvenirs âpres, nuances et espoirs en étendard, flow maîtrisé et sensibilité criante, le projet est un succès en tout point. Georgio y dresse un tableau noir de la société, mais ce qui ressort avant toute chose, c’est la lumière, l’espoir derrière le nuage.
Cette dualité est notamment présente sur le titre Danse. L’autre thématique forte de cet album est l’ode au voyage, à la découverte d’un monde sans limites, fait de richesses, de rencontres et de savoir. Les choix artistiques de Georgio sont cohérents, surtout en termes de collaboration. Que ce soit avec S.Pri Noir, Kalash Criminel, Sanka ou Zikxo, on ressent une véritable recherche, que ce soit dans le propos ou dans les sonorités. La vie ou la mort, le vrai ou le faux, la réalité ou l’imaginaire, rempli d’images contrastantes, Sacré est un réel aboutissement, venant conclure 10 années d’une carrière en perpétuelle évolution.
Ciel Enflammé, la touche finale
Ce vendredi, Georgio a sorti Ciel Enflammé, une réédition de 12 titres venant compléter un album déjà riche artistiquement. Cohérente, une réelle résonance se fait ressentir morceau après morceau. Le rappeur, une fois encore, a su varier les facettes musicales de son œuvre. Entre drill, banger, texte mélodique et rock, la multi-sonorité présente est la réelle force de ce projet. Comme à son habitude, la mélancolie est un thème central, bien que son recul face à cet attrait de sa personnalité se fasse de plus en plus ressentir. Sur son morceau Spirituel, le rappeur revient sur les déboires de son enfance, sur cette mentalité que le quartier lui a inculqué, ainsi que sur ses regrets, le menant à sa propre perte. Les collaborations, quant à elles, sont une franche réussite.
Concept flou, chanson co-écrite aux côtés de Cœur de Pirate, traite de la difficulté à trancher, entre cœur et raison et haine et passion. L’amour est un concept flou, face auquel il est souvent plus aisé de se mentir à soi-même, par peur de solitude.
Sur les notes de Sofiane Pamart, Georgio s’ouvre sur sa propre notion de l’amitié, et de la liberté que celle-ci lui offre, tandis que les featuring avec Mister V, Doums et Luv Resval complètent un mélange de musicalités variées et complémentaires.
Au sein d’une scène rap française de plus en plus qualitative, Georgio a su, au fils des années, tirer son épingle du jeu. La musique comme exutoire, le rappeur a évolué, fuit la dépression pour atteindre le succès qu’il mérite. Sa sincérité et l’intimité qu’il forge avec son public en font un artiste à part. Sa tournée, le Sacré Tour, débutera le 29 janvier 2022, avec comme point culminant une double date au Bataclan, les 17 et 18 février prochain.
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